Un choix rationnel : contrôle ou confiance ?
Un pragmatisme cohérent avec les apports des neurosciences
L’évènement du mois de février est sans contexte le documentaire d’ARTE sur le bonheur au travail. De nombreux idéalistes l’attendaient. Pourtant ce documentaire montre que si les résultats sont au rendez-vous, le processus de désapprentissage/apprentissage qui est à mener n’est pas toujours un chemin parsemé de roses. L’engouement pour ce film sur les réseaux sociaux démontre, s’il en était besoin, que le bonheur au travail représente une aspiration forte pour de nombreuses personnes.
Deux ennemis sont pointés du doigt : l’égo de certains responsables (dirigeants, syndicalistes, managers installés, collaborateurs incrédules) et la volonté de contrôle qui a structuré les organisations anxieuses de maîtriser la productivité. Dans bien des organisations, il est devenu clair que le système de coercition que nous avons inventé est devenu contre-productif pour résoudre les problèmes actuels. La volonté de contrôle habite encore le mental de l’être obsédé de pouvoir. Ce film montre que la coopération, fondée sur l’implication de tous, génère naturellement de l’autocontrôle. Soit de façon spontanée par l’individu responsable qui considère, en toute déontologie, devoir la qualité à ses clients et, en toute loyauté, la devoir à ses pairs. Soit parce que les personnes qui ne respectent pas cet engagement sont sanctionnées puis rejetées par les autres acteurs.
Dans l’esprit motivé, l’intention est à la source du mouvement, l’énergie qui s’en dégage est soutenue par une chimie cérébrale dopante (dopamine). Le système de récompense, logé dans la partie limbique du cerveau, se satisfait de la fierté du sujet qui montre ses capacités au sein d’un collectif respectueux. Les émotions positives soutiennent le désir de participer et l’appartenance. Au cœur des relations sociales fondées sur l’engagement, l’ocytocine joue son rôle et facilite la relation de confiance. Elle nourrit le lien social et l’esprit d’équipe. La motivation intrinsèque a plus de pouvoir que la motivation extrinsèque. Etre pris pour un imbécile n’a jamais rendu intelligent. Beaucoup le savent, les neurosciences le démontrent, peu en font cas. La peur, ennemie de la prise de risque, favorise l’évitement produisant ainsi des collaborateurs passifs.
Plutôt que de pointer l’ego des dirigeants, je préfère parler de leur anxiété. Recevoir les dictats à court terme d’actionnaires trop gourmands crée une tension et une focalisation sur des priorités qui détruisent l’esprit d’ouverture au « facteur humain ». Pression des actionnaires, obligations à exemplarité (on ne dit jamais en quoi consiste l’exemplarité, comme si cela allait de soi et que le mot « exemplaire » voulait dire comportement moral et éthique), respect des règles légales, financières, juridiques….. Sans oublier le RSE, les risques psychosociaux, l’égalité homme-femme…, sans oublier d’inventer une stratégie pertinente, veiller à la qualité de service, s’assurer de l’innovation….. Les décisions qu’ils ont centralisées les conduisent dans l’impasse. Formés à l’école de la supériorité intellectuelle et du déni des émotions, invités à un mimétisme de classe, beaucoup de dirigeants ont du mal à prendre le risque de la confiance et se privent ainsi d’un rôle plus épanouissant. Dans ce reportage, ceux qui font le choix de l’entreprise « libérée » sont, soit des propriétaires qui agissent par conviction, soit des dirigeants qui ont à gérer des situations tellement critiques qu’elles leurs offrent, paradoxalement, la possibilité d’un changement de paradigme.
Un nouveau ROI fondé sur l’implication des individus, sur leur capacité imaginative, sur leur cohésion, peut être valorisé. Que ce soit au travers de la mise en place de méthodes agiles, de la transformation des modes de collaboration, de l’invention d’une gouvernance plus collégiale…le développement de la confiance est à la base de ces démarches de transformation. Quand, dans ce documentaire, un dirigeant expérimenté insiste sur le fait que la confiance produit plus de valeur, que le coût du contrôle est devenu prohibitif, il énonce une vérité qui va droit au cœur de nombreux collaborateurs d’entreprises soumis à des contraintes absurdes. Aujourd’hui, les règles sociales en vigueur peuvent aussi être un frein, voire un empêchement pour certaines initiatives. L’innovation managériale devra trouver de nouvelles marges de manœuvre en sortant des modèles du passé et en prenant de nouveaux chemins.
Eh bien oui ! Au cœur de la complexité ambiante, la confiance est un choix rationnel. Pour tenter l’aventure du désapprentissage du contrôle renforcé et l’apprentissage de la liberté d’action, ce film nous apporte des modèles d’entreprises qui ont fait leurs preuves. Nous avons un contexte qui impose des changements de paradigmes. Nous avons des notions neuroscientifiques qui permettent de comprendre pourquoi la confiance produit plus d’intelligence que le contrôle coercitif. Nous avons des coachs expérimentés pour accompagner les dirigeants sur ce chemin émotionnellement exigeant. Nous avons des outils pour faire travailler ensemble les équipes et les inviter à de nouvelles prises d’initiative. Inventer un deal gagnant-gagnant, qui produit plus de valeur pour les parties prenantes, est un beau challenge. Alors, courage, car comme l’expriment les orateurs de la conférence « le travail du dirigeant » lors des journées du bonheur au travail, c’est plus simple à dire qu’à faire. Mais c’est possible, confiance, ça marche et ce « voyage vaut largement le détour ».
Bibliographie
- Conférence : Les journées du bonheur au travail, « le travail des dirigeants » le 12 février 2015 à la Gaieté Lyrique
https://www.eyedo.com/fr-FR/#!/Live/Detail/15986 - Documentaire ARTE sur le bonheur au travail, le 24 février 2015
https://www.youtube.com/watch?v=0hRtzDV12UQ