Tous potentiellement prodigieux
L’implication, le plaisir, le partage, stimulent les talents humains
En guise de message de vœux pour l’année 2015, je ne résiste pas au plaisir de partager le flashmob, mis en ligne par France2, pour la promotion de l’émission « Les Prodiges ». D’où provient l’émergence du mystérieux talent que chacun est capable de déployer ? Comment s’ouvre à l’être, l’élan qui l’amène à s’exprimer au travers de l’art, du savoir, de la recherche ? Comment évolue cet élan qui s’épanouit dans la richesse des interactions humaines ?
Toutes ces questions, si elles ne sont pas résolues, sont largement abordées par les neurosciences affectives. Elles montrent que les émotions inspirent les intentions des acteurs, facilitant ou limitant leurs réalisations. Ces questions sont au cœur des préoccupations des parents attentifs au développement de leurs descendants. En cette fin d’année, l’actualité montre, au travers de nombreux signes, que l’attention des adultes est focalisée sur l’accomplissement de ce devoir. Voici trois exemples positifs qui occupent l’espace médiatique. Ces bonnes nouvelles contrebalancent les influences dépressives, véhiculées par les rengaines revendicatrices de corporations en perte de pouvoir, qui affectent l’humeur des populations.
• Un jeune des banlieues témoigne de l’impact sur les élèves de sa classe de la détermination généreuse d’une professeure d’histoire. Le film « Les héritiers », permet de mesurer l’impact d’un projet fédérateur, sur le développement de jeunes. L’enseignante les invite à participer au concours organisé par le Comité National de la Résistance et de la Déportation sur le thème « les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi ». Les élèves, réfugiés dans la violence relationnelle, sont incapables, jusque alors, de vivre des relations productives. Leur implication sur un sujet si sensible va transformer leur vie.
• Cédric Villani, mathématicien français, médaille Fields en 2010, explique la volonté de l’Éducation Nationale de faciliter l’apprentissage des mathématiques par une pédagogie ludique. Les préconisations, fruits de la collaboration des écosystèmes mathématique et pédagogique, visent à rendre l’accès aux mathématiques moins laborieux et moins pénible pour beaucoup d’enfants. Ceux-ci, bloqués dans le développement de leurs talents par une perception dévalorisée de l’effort sous contrainte, rechignent devant les difficultés conceptuelles. Avec le jeu, l’effort devient naturel, le désir de réussir est stimulé par la promesse d’une satisfaction conjuguant ainsi harmonieusement motivation intrinsèque et extrinsèque. La colère laisse la place à l’envie de relever le challenge, la peur de l’échec est minorée grâce à la stimulation du travail en groupe.
• A l’occasion du concours « Les Prodiges », France 2 propose de valoriser et de reconnaître les talents d’artistes en herbe. La joie partagée dans la magie du don de soi, dans le plaisir du lien social donnant ainsi à l’événement une valeur émotionnelle positive. L’accompagnement de ces enfants démontre le pouvoir de l’amour et de la reconnaissance. Paul Zak à cette occasion pourrait évoquer le pouvoir de l’ocytocine, hormone de la confiance et du lien social !
La musique, le chant, la danse… pour d’autres, la peinture, le foot, le théâtre, le cirque, le karaté…. que d’occasions de vivre des aventures permettant de travailler simultanément sur l’intelligence émotionnelle et cognitive. Stanislas Dehaene rapporte que dans son laboratoire, les chercheurs sont capables de détecter si le cerveau du sujet observé a appris la musique et à quel âge. Il est connu, depuis quelques années, que les enfants bilingues, dès le plus jeune âge, deviennent des adultes plus circonspects. Dès l’enfance, l’accès à deux systèmes de représentation offre deux visions concurrentes et complémentaires du monde. Cela permet à l’enfant de savoir que le mot n’est pas la chose, que le réel perçu est subjectif, qu’une culture vaut pour ceux qui la connaissent et qu’elle n’est pas « la réalité » unique présente dans la société. Ils sauront associer cognition et émotions en comprenant très tôt, les affects liés à des croyances ethniques, religieuses ou tout simplement régionales. Les relations entre pratiques et concepts seront plus faciles à élaborer pour le cerveau de celui qui sait que les émotions sont bien souvent sous l’influence de croyances.
Les talents trouvent leur source dans la génétique, les histoires familiales, les expériences douloureuses ou joyeuses, dans les peurs, les colères, les manques…ressentis par le sujet au cours de l’apprentissage de la vie. Les émotions peuvent en faciliter l’épanouissement, mais aussi bloquer bien des vocations. Emberlificotés sous des peurs, des colères interdites, les talents des jeunes héritiers auraient pu ne jamais s’épanouir.
Pour cette période de fin d’année, où « rien ne va », les témoignages de réussites de nos talents fleurissent pour la fierté de chacun. Du robot Philea atterrissant à 510 millions de kilomètres sur un astéroïde minuscule grâce au travail assidu d’une équipe européenne, du prix Nobel d’économie décerné à Jean Tirole, du prix Nobel de littérature donné à Patrick Modiano, le rayonnement des talents couvrent de gloire le francophone chauvin. Si certains journalistes tiennent des propos délétères sur nos capacités à entreprendre des transformations, il convient de se souvenir que l’énergie de l’entrepreneuriat s’exprime, non seulement, dans l’entreprise commerciale, mais aussi dans tout ce qui conduit le sujet dans la recherche d’accomplissement de son talent. Produire de la valeur pour soi est le socle ontologique de la production de la valeur sociale et économique qui surgira plus tard. Alors l’année prochaine, que nous soyons enseignants, coachs, consultants, thérapeutes, managers….continuons d’enrichir nos talents d’accompagnateur du développement du jeune prodige parfois enfui dans le cœur de nos clients.